Irlande du Nord, Irlande du Sud : comprendre une guerre entre frères
La division entre Irlande du Nord (britannique) et République d'Irlande (indépendante) remonte au Government of Ireland Act de 1920, cristallisant les tensions entre nationalistes catholiques et unionistes protestants. Les Troubles (1968-1998), marqués par plus de 3 500 morts, ont opposé l'IRA aux forces loyalistes et britanniques. L'Accord du Vendredi Saint (1998) a instauré une paix fragile, tandis que des artistes comme U2 (Sunday Bloody Sunday) ou The Cranberries (Zombie) ont donné une voix mondiale à ce conflit. Aujourd'hui, malgré les cicatrices, l'Irlande du Nord avance vers la réconciliation, même si le Brexit a ravivé certaines tensions frontalières.
Introduction : souvenirs d’un père un peu perdu
Mon inculture face aux questions pourtant simples de mon fils, tout juste collégien, sur le Royaume-Uni, a valu un premier article il y a quelques jours. Mais quand on regarde un tout petit peu le Royaume-Uni, une autre question vient naturellement : Irlande du Nord, Irlande du Sud… mais pourquoi ?
Quand j’étais gamin (oui, j’étais gamin… au siècle dernier, voire au millénaire dernier !), très régulièrement aux informations on entendait parler des attentats et des heurts en Irlande. Honnêtement, je ne comprenais pas grand-chose. Un jour, j’ai compris qu’ils avaient fait la paix. OK.
Je me rappelle aussi de mes cours d’anglais où l’on étudiait la chanson de U2, et je crois avoir fait quelques pogos maladroits sur Zombie des Cranberries. Oui, je savais qu’au-delà du différend politique il y avait, de manière plus ancienne, un différend religieux. Mais honnêtement… je n’en savais pas beaucoup plus. Alors j’ai fait quelques recherches — en voici les résultats.
Une île divisée
Au début du XXᵉ siècle, l’Irlande était marquée par une fracture profonde :
- d’un côté, une majorité catholique nationaliste qui aspirait à l’indépendance vis-à-vis de Londres,
- de l’autre, une minorité protestante unioniste (surtout dans le nord) qui voulait rester attachée au Royaume-Uni.
En 1920, le gouvernement britannique vote le Government of Ireland Act, créant deux entités autonomes :
- Irlande du Sud, à majorité catholique, qui ne reconnaît pas cette formule et continue de lutter pour son indépendance ;
- Irlande du Nord, six comtés majoritairement protestants de la province d’Ulster, restés au sein du Royaume-Uni.
En 1921, le Traité anglo-irlandais officialise l’indépendance de l’Irlande du Sud (devenue ensuite la République d’Irlande). L’Irlande du Nord, elle, choisit de rester britannique. La frontière est née.
Les violences : une guerre entre frères
La partition n’a pas calmé les tensions, bien au contraire. Dès les années 1920, Belfast connaît des violences intercommunautaires sanglantes. Mais c’est à partir des années 1960 que la situation dégénère vraiment.
Les catholiques nord-irlandais, victimes de discriminations dans le logement, l’emploi et la représentation politique, se mobilisent dans un mouvement inspiré par les droits civiques américains. La répression est brutale. Le conflit dégénère en une guerre larvée :
- d’un côté, les républicains catholiques (dont l’IRA, Armée républicaine irlandaise),
- de l’autre, les loyalistes protestants, soutenus par l’armée et la police britanniques.
Ces trente années de violences (appelées les Troubles, 1968–1998) font plus de 3 500 morts. Les attentats, les assassinats, les émeutes deviennent le quotidien. Des épisodes marquent les mémoires, comme le Bloody Sunday de 1972 à Derry, quand 14 manifestants pacifiques sont tués par l’armée britannique.
Vers la paix : l’Accord du Vendredi Saint
Après des décennies de violence, un compromis voit le jour. En 1998, l’Accord du Vendredi Saint est signé. Il prévoit :
- un partage du pouvoir entre unionistes et nationalistes en Irlande du Nord,
- la reconnaissance du droit des habitants de choisir leur avenir,
- le désarmement progressif des groupes paramilitaires.
Depuis, la paix est fragile mais réelle. La frontière est ouverte (et le Brexit a ravivé les inquiétudes à ce sujet), la société se reconstruit, même si les mémoires restent douloureuses.
Quand la musique raconte le conflit
L’histoire de l’Irlande du Nord ne s’est pas seulement écrite dans la rue ou au Parlement. Elle a aussi été portée par les artistes.
- U2 – Sunday Bloody Sunday (1983) : un hymne dénonçant le massacre de Derry. Bono insistait toujours en concert : « This is not a rebel song » — pas une chanson rebelle, mais un appel à la paix.
- The Cranberries – Zombie (1994) : Dolores O’Riordan écrit ce cri de rage après un attentat de l’IRA à Warrington en 1993, qui tua deux enfants. Le refrain hurlé, devenu culte, reste l’un des symboles musicaux de cette époque sombre.
- D’autres artistes ont aussi abordé la question : Van Morrison, Stiff Little Fingers, Elvis Costello… Et plus récemment le groupe de rap Kneecap, qui s’empare du sujet à sa manière, en gaélique et en provocateurs assumés.
- Même en France, Michel Sardou évoque l’Irlande dans Les Lacs du Connemara (1981). Bien que la chanson ne traite pas directement des Troubles, elle a contribué à façonner une image romantique et mythique de l’Irlande, contrastant avec la réalité violente des années 1980–90.
Et puis, au cinéma, des films comme In the Name of the Father, Bloody Sunday ou encore ’71 ont immortalisé la mémoire de cette guerre entre frères.
Conclusion
Derrière les mots « Irlande du Nord » et « Irlande du Sud » se cache une histoire douloureuse de divisions religieuses, politiques et identitaires. Une guerre fratricide qui a duré près d’un siècle, avant de trouver un chemin vers la paix fragile mais précieuse.
Heureusement, il y a la culture. La musique, le cinéma, la littérature ont su transformer cette douleur en mémoire collective. Si U2 et les Cranberries ont donné une voix mondiale à ces drames, d’autres artistes continuent de rappeler que l’histoire de l’Irlande est une histoire de blessures… mais aussi de résilience.
Zed – pour Znotes.fr